L’ANTI-ART EST DE L’ARTL’ANTI-ART est un ensemble de concepts et d’attitudes qui rejettent l’art et peuvent prendre la forme d’art ou non. Le terme semble avoir été utilisé pour la première fois par Marcel Duchamp.
Certaines formes d’anti-art « rejettent seulement certains aspects de l’art ». Selon le cas, elles rejettent les normes artistiques conventionnelles, le marché de l’art, la haute culture, l’individualisme en art ou l’universalité de l’art.D’autres formes d’anti-art « rejettent l’art entièrement ». Selon le cas, elles rejettent l’art en tant que champ séparé ou en tant que spécialité, l’art considéré comme une forme d’oppression, la séparation entre la vie et l’art ou l’existence même de l’art.
L’anti-art prend sa source dans le mouvement Dada, qui, à grands renforts de polémiques, de scandales et de dérision, voulait faire une tabula rasa de toute la culture bourgeoise occidentale en remettant en cause de manière radicale les valeurs de l’art et de la poésie. L’une des œuvres emblématiques de l’Anti-art est le fameux ready-made Fontaine (1917) de Marcel Duchamp, où l’art se voyait réduit à un vulgaire urinoir, signé en soi comme œuvre. En 1921, dans l’exposition 5×5=25 des artistes constructivistes et productivistes prétendaient représenter la « fin » ou la « mort » de l’art.
Alexandre Rodtchenko y présente trois toiles monochromes : Couleur rouge pure, Couleur jaune pure, Couleur bleue pure. Il estimait atteindre ici l’achèvement de ses recherches formelles au sein du constructivisme, et il déclara donc avoir démontré la « fin de la peinture ». La suite de son travail artistique se tourne vers la photographie.
Isidore Isou, créateur du lettrisme, théorise dès 1947 la loi esthétique de l’« amplique » et du « ciselant », qui part du principe que tout art passe par deux phases irréversibles : l’une d’amplitude, où l’art se développe aux niveaux stylistiques et thématiques (la poésie de Homère à Victor Hugo), et l’autre de déconstruction où l’art entre dans une période d’émiettement et de mise en doute et finit par s’auto-détruire (la poésie de Baudelaire aux dadaïstes et surréalistes). Il annoncera également la mort des arts plastiques (Mémoire sur les forces futures des arts plastiques et sur leur mort, 1950), devenus obsolètes, remplacés par ce qu’il nomme la « métagraphie ».
La problématique de la mort de l’art et de son dépassement sera amplement développée dans les écrits de Guy Debord et des membres d’abord de l’Internationale lettriste, puis en 1957 du mouvement de l’Internationale situationniste. Debord est notamment le réalisateur du film Hurlements en faveur de Sade, en 1952.
En 1958, le peintre Giuseppe Pinot-Gallizio, proche de l’IS, mettait au point la « peinture industrielle », destruction et dépassement de la peinture de chevalet.Les situationnistes prônaient l’usage du détournement dans leurs œuvres puis liquidèrent en leur sein la présence de toute forme de volonté plastique, notamment par l’expulsion radicale de membres connectés au monde de l’art.
Ainsi, beaucoup plus tard, René Viénet réalisa en 1973 le film La dialectique peut-elle casser des briques ?, entièrement basé sur le détournement d’un film de kung-fu.
Les attitudes « anti-art » continuèrent à se développer dans les années 1960 avec Fluxus, sous l’impulsion de George Maciunas, John Cage ou Henry Flynt aux États-Unis, mais aussi de Robert Filliou et Ben Vautier en France.
Ces artistes envisageaient l’anti-art de manière ludique et festive.